Enchantement client

Pourquoi enchanter ses clients ?

24 mai 2020
There are no traffic jams along the extra mile. Roger Stauback (footballeur américain célèbre)

En français : Il n’y a pas d’embouteillage sur le kilomètre supplémentaire. En d’autres termes, quand on va plus loin que les autres, la route est dégagée.

Qu’est-ce que l’enchantement ?

On parle beaucoup d’enchantement client comme le nouvel objectif à atteindre absolument. Mais de quoi parle-t-on exactement ? Qu’est-ce que le « customer delight » au-delà de la maximisation de la satisfaction du client ?

Dans les faits, on pourrait le définir comme un état du client lié au fait qu’on a dépassé ses attentes, ou plus précisément que l’on a répondu à des attentes non exprimées (qui n’en sont pas moins réelles), avec donc un effet de surprise.

Il s’agit donc véritablement de créer une émotion positive, qui va marquer le client.

Faut-il forcément enchanter ses clients ?

La question mérite d’être posée : quand on constate le niveau de service offert dans des secteurs qui n’ont pas complètement opéré leur transformation vers l’orientation client (au hasard : les banques, les assurances, la location de voitures, même si des progrès réels sont enregistrés avec la digitalisation des process notamment) on peut se demander si la recherche de l’excellence a un sens.

Apporter une réponse correcte, dans des temps acceptables, de manière homogène sur tous les canaux, assurer un suivi, donner de la visibilité en cas de réclamation, et apporter un premier niveau de personnalisation de traitement : voilà des fondamentaux qui ne sont pas toujours assurés dans bien des cas. On a tous en tête des situations qui montrent que les "besoins essentiels" du client au sens de Maslow ne sont pas systématiquement satisfaits.

Avant de viser l’enchantement il convient de sécuriser un premier niveau de satisfaction.

Par ailleurs, consacrer des efforts pour augmenter la satisfaction de ses clients n’a de sens que si cela a un impact sur leur comportement : si j’investis dans des services supplémentaires qui n’auront d’intérêt que dans 1% des cas et pour une partie seulement de mes clients cela en vaudra-t-il la peine ?

Le spécialiste de la satisfaction client Daniel Ray le rappelle : il est parfois inutile d’enchanter ses clients, car le lien entre satisfaction et fidélité n’est pas forcément linéaire et peut varier selon le secteur d’activité, les conditions de marché et tout simplement l’entreprise elle-même… Il conseille donc de définir son « loyalty model » pour comprendre le niveau de corrélation entre les efforts engagés et le gain en termes de satisfaction et de fidélité. Cela ne signifie pas qu’il faut abandonner toute ambition d’excellence mais plutôt que le niveau d’investissement doit se définir par rapport aux attentes réelles des clients et l’impact des actions menées (toujours utile quand il s’agit de défendre un projet / un service en interne).

Car il y a bien différents types d’attentes clients. C’est ce qu’avait modélisé aussi le chercheur japonais Kano dans son modèle, en mettant en évidence que chaque catégorie était associée à un type de satisfaction différent :

 les attentes primaires (y répondre est essentiel pour assurer un minimum de satisfaction ; si elles constituent un pré-requis, l’augmentation de la performance ne produira pas d’effet en termes de satisfaction passé un certain niveau) ;

 les attentes proportionnelles, pour lesquelles au contraire l’augmentation du niveau de performance génère proportionnellement une augmentation de la satisfaction ;

 les attentes attractives, moins communes, qui ne se manifestent qu’à partir d’un certain niveau de satisfaction (donc seulement si les attentes primaires sont satisfaites) et pour lesquelles une solution apportée / une fonctionnalité génèrera un certain niveau de surprise (et donc de différenciation vis à vis de la concurrence) ; c’est là qu’il faut chercher le plus souvent "l’enchantement"

Le diagramme de Kano (cf. figure ci-dessous) permet ainsi d’identifier les différentes zones à travailler.


En pratique, que m’apporte l’enchantement ?

On l’a vu, enchanter le client amène souvent à s’aventurer dans des contrées inexplorées et permet donc de se différencier. En d’autres termes, ils retrouveront chez vous ce qu’ils n’ont pas ailleurs et qui pourtant présente une valeur certaine - et même émotionnelle - à vos yeux.

Concrètement, on a là un moyen puissant pour fidéliser les clients. Et quand on connaît la difficulté et surtout le coût de l’acquisition de nouveaux clients, bien supérieur à celui de la fidélisation, on a là un bon moyen de justifier l’investissement dans l’enchantement.

Un client "très satisfait" est aussi à l’écoute pour vous faire confiance dans la mise en place de services additionnels : l’enchantement permet donc d’augmenter le panier moyen / la valeur de chaque client.

Et si je n’ai que peu de clients ? Dois-je vraiment viser l’enchantement ou n’est-il pas préférable de se concentrer sur un développement rapide des ventes ?

Ce n’est certainement pas incompatible . Si un client simplement satisfait sera enclin à rester, un client engagé dans l’entreprise et ses produits sera potentiellement un promoteur qui recommandera vos offres. C’est la logique de "l’advocacy marketing" dont les programmes s’appuient sur des "ambassadeurs de marque" (recrutés dans le cadre d’enquêtes de satisfaction ou de collecte d’avis clients) qui feront gratuitement et naturellement la promotion de vos produits et services. L’enchantement est donc un vecteur de développement commercial très efficace - et finalement peu coûteux - s’il est bien exploité.

En résumé :

L’enchantement client résulte de la réponse à une certaine catégorie d’attentes qu’il convient d’identifier et hiérarchiser, afin de prendre les bonnes décisions d’investissement et d’optimiser les efforts de recherche de satisfaction.

Il permet de construire une relation forte avec ses clients, en les fidélisant, en augmentant leur valeur et même en capitalisant sur leur pouvoir de recommandation.

Commercialement c’est également un atout majeur qui permet de prendre un temps d’avance, de se différencier de la concurrence et d’ériger des barrières à l’entrée, tout en évitant une stérile guerre des prix.

Dans notre prochain billet nous aborderons les principes directeurs adoptés par les entreprises qui s’engagent dans une telle démarche.

Image par Susann Mielke de Pixabay